La moule de Scardovari, l'or noir du delta

Alba au travail

Il existe plusieurs zones mytilicoles le long de la côte italienne, chacune ayant ses propres particularités. Les moules de Scardovari apportent à l'appui de leur spécificité un environnement éloigné des sources de pollution urbaine ou industrielle et un échange d'eau constant dû à la fois à la marée et au courant fluvial. L'eau douce, naturellement riche en nutriments, prédomine dans la Sacca di Scardovari, ce qui permet aux mollusques de se développer de manière optimale sans avoir recours à aucun artifice. Il suffit aux éleveurs de greffer les juvéniles sur des supports suspendus dans l'eau, puis de suivre leur développement au fil des mois. N'oublions pas que le groupement des pêcheurs locaux transforme également d'autres produits de la mer : palourde (Tapes semidecussatus) et palourde de l'Adriatique (Chamelea gallina) ; couteaux (Ensis directus) ; fasolaro (Callista chione) ; truffe de mer (Venus verrucosa) ; huître (Crassostrea gigas).

Passons à la dégustation !

La Sacca di Scardovari ne fournit pas seulement des matières premières à zéro kilomètre, mais aussi une variété de lieux où l'on peut immédiatement se rendre compte de leur qualité. Ils vont du restaurant proprement dit à la maison sur pilotis qui s'avance sur la digue, avec comme dénominateur commun toute la scène locale des fruits de mer : du plat le plus simple, les moules et les palourdes à la marinière, comme s'appelle le traditionnel ragoût de coquillages, à une spécialité importée, les spaghettis aux palourdes, qui ont désormais la double nationalité, napolitaine d'origine, polonaise d'adoption. Confirmant cette sorte de jumelage entre la Vénétie et la Campanie, il y a aussi la pizza dite della Sacca, évidemment à base de moules et de palourdes. Parmi les plats mémorables, citons le gratin de moules, le risotto aux moules, la tarte aux palourdes, les bigoli au ragoût de palourdes... Des délices qui se répètent le jour de la fête des saints Pierre et Paul, à l'occasion de la fête du pêcheur de Scardovari.

Le point culminant de la Sagra del Pescatore di Scardovari, qui a lieu le jour de la fête des saints Pierre et Paul.

Une histoire d'eau et d'ingéniosité

Polesine dei sospiri" (Polesine des soupirs), comme on appelait autrefois cette bande extrême de la province de Rovigo, si souvent à la merci d'inondations ruineuses, dont les plus récentes en 1951 et 1966. De grands travaux hydrauliques ont relevé le territoire, qui a trouvé sa première rédemption dans l'agriculture, avec une fierté particulière pour la production de riz, et une fortune ultérieure dans l'élevage de mollusques bivalves, moules et palourdes in primis. C'est en 1976 que le Consortium a été créé, réunissant les 14 coopératives de pêcheurs de la région dans une structure entrepreneuriale de suprématie absolue. Les années 80 ont vu une affirmation du marché qui, après trente ans, a culminé en 2013 avec la reconnaissance par l'Union européenne de l'AOP " Cozza di Scardovari", aux côtés d'une véritable célébrité française, l'AOP "Moule de la Baie du Mont-Saint-Michel".

Aujourd'hui, le secteur de production de la Sacca di Scardovari compte 1 500 pêcheurs et, chose assez surprenante, la moitié d'entre eux sont des femmes. Cela s'explique par l'histoire plus récente de l'entrepreneuriat en Vénétie. Il y a eu des années, en effet, où le Polesine représentait une sorte de nouvelle frontière de l'industrie textile, bénéficiant principalement à la main-d'œuvre féminine. Une fois ce moment passé, c'est plutôt la conchyliculture qui a relancé la fortune du territoire, l'amenant au fil des ans à une prospérité inhabituelle.